Les Dix Petits Rougegardes

Tous les invités ont été contactés par des lettres leur demandant de venir travailler sur l'île du Petit Rougegarde, dans la Baie d'Illiaque, pour le compte du baron de Conosciuto. D'autres sont conviés pour deux jours de mondanités.
Ils sont tous arrivés au port de Sentinelle, où un matelot rougegarde les mène à l'île sur un petit voilier de plaisance, alors qu'ils peuvent faire connaissance... Le matelot est muré dans le silence et ne semble pas avoir la moindre intention de parler aux voyageurs.

Noléon arriva face à l'embarcation qu'on lui avait préparé avec un sourire aux lèvres. Les voiliers comme celui-ci étaient son pain quotidien à Daggerfall.

*Ah, l'adolescence... Étrange que la voile ait cette forme carrée. Où sont mes triangles ? C'est beaucoup moins beau, cela dénature complètement la beauté du navire.*

Il s'arrêta sur le quai, scrutant un peu les alentours et fut ravi du calme environnant. C'était sûrement un quai privé, rien que ça.

*Ce baron Conosciuto savait comment accueillir... Ou peut-être pas !*

Noléon venait de remarquer le Rougegarde. Bien éduqué, il força un sourire et demanda :

"Vous êtes bien le capitaine de Monsieur le Baron ?"

Teekeeus profita un moment de l'air marin et laissa aller ses narines au gré des courants d'air lui amenant diverses odeurs d'épices et de poisson. Il se dirigea paisiblement vers le voilier, ses bagages sous les bras; il aurait bien fait l'achat de quelques herbes, mais il lui semblait être déjà en retard de plusieurs minutes: Teekeeus aimait à être ponctuel.
Il trouva néanmoins le paysage somptueux, ses rares venues en Alik'r lui permettaient d'en apprécier toujours plus les merveilles à chacun de ses voyages.

Une fois sur le navire, l'argonien posa ses deux sacs sous la rambarde puis se dirigea vers les deux hommes déjà présent. En médecin honorable et respecté, il tendit la main, arborant le sourire rassurant qu'affichent tous les médecins qui se veulent rassurant...

- J'imagine que vous êtes le capitaine du bateau à destination de l'île du Petit Rougegarde. Teekeeus Junal-Lei, encanté.

Appuyée sur sa canne, et marchant à petits pas, Kolfinna traversait avec frayeur les docks de Sentinelle. Ces singes des Rougegardes l'entouraient, ainsi que quelques bretons - et pas le moindre Nordique sur qui compter si l'un de ces animaux décidait soudainement de la violer.

Bousculée par un matelot Bosmer, elle faillit le frapper de sa canne, mais n'en eut pas le temps ; c'est alors que, fulminante, elle aperçu le voilier de plaisance, avec l'homme qui devait les conduire à l'île. Il semblait que certains étaient déjà arrivée.

Se dandinant toujours autant, elle approcha, et héla le matelot :


- Hé, sous-être, c'est toi qui doit nous amener à l'Île du petit Garde Rouge -  un rapport avec le petit livre rouge, d'ailleurs ?

*M'sieur ?...*

Noléon fit le plus beau sourire qu'il put, malgré les circonstances. On lui manquait déjà de respect.

*Peut-être que je me suis trompé sur ce "baron".*

"Votre seigneur ne vous a-t-il pas dit qui j'étais ? Je suis le petit-fils du Comte Alerius Ottus de Camlorn, héritier de l'héritier, mon père. Pour s'adresser à moi, il faudra que vous m'appeliez "messire". Pour l'instant..."

-C'est bien moi, m'dames.

Excusez-moi, messire. J'suis peu au courant de ces usages... messire, dit-il empressé.

*Étonnant, il apprend vite !*

"Très bien, mon cher. Dites... Je pensais que ce voilier m'étais réservé, dois-je vraiment faire le voyage..."

Il s'approcha pour chuchoter à l'oreille du Rougegarde. Mais pas trop près non plus.

"Faire le voyage avec ces personnes ?"

Même s'il avait vu les nouveaux arrivants, il décida de les ignorer tant qu'ils ne venaient pas à sa rencontre de manière directe et formelle.

L'Ouïe de la vieille n'était plus ce qu'il était.

- Tu mens, voyou, c'est le bon bateau, j'en reconnais la description. Tous les mêmes, ça  vient de la couleur de leur peau, et en plus, ça parle le Tamrielique avec un accent laid.

En voulant donner un coup de canne au matelot, elle frappa par erreur le visage de l'Argonien.

- Oups, déso... Ah, un lézard ? Bien fait alors, ces immigrés ne méritent que ça, des coups de bâtons.

Noléon manqua de souffler, se rappelant de justesse qui il était. Il regarda aux alentours, manqua de souffler une nouvelle fois et demanda au capitaine :

"Vous n'auriez pas un endroit plus privé pour moi, mon bon capitaine ? À l'abri du soleil et des autres inconvénients du voilier ?"

La route avait été longue pour Orakh gro-Shazog, et le temps lui avait manqué. De ce fait, il avait forcé son allure pour arriver à temps au quai. C'aurait été bête de louper le voilier. Une fois en vue des autres convives, l'Orque sourit, dévoilant davantage ses canines, cracha par terre, et s'avança vers l'attroupement.

Sans grandes manières, il vint taper dans le dos du premier des convives qu'il vit, soit un pauvre Noléon, et grogna de sa plus belle tonalité de voix:

- Bien le bonjour à vous. J'suis Orakh.

Souriant devant cette introduction fort bien amenée, l'ancien soldat croisa ses bras musculeux et continua:

- Ce sera tout c'que vous avez besoin de savoir.

Une calèche arriva à proximité des docks, et s'arrêta à proximité de l'embarcation. Un homme d'âge mûr, visiblement Impérial, en descendit, gratifiant le cocher d'une bourse à priori bien garnie accompagnant une permission de disposer. Il attendit que le chariot commence à s'éloigner pour détourner le regard vers son manteau, qu'il épousseta. Enfin, il se dirigea vers le groupe qui s'était formé.

- Très chers... ceci est bien le navire dépêché par le baron de Conosciuto ?

Toujours aussi bourru, Orakh répondit:

- Ouaip. T'es au bon endroit, l'Impérial.

Puis, se mettant à grommeler dans sa barbe:

- Des foutus humains et des saloperies d'elfes... pas de camarade pour boire... grrr...

Noléon se sentit partir en avant, frêle qu'il était, et manqua de tomber à l'eau ne devant son salut qu'à une rambarde. Tombé sur les genoux, il enleva la poussière qu'il trouva sur ses vêtements et se retourna, furieux.

"Comment osez-vous, sale ru..."

*Un Orc ! Un Orc dans le voilier, et un guerrier qui plus est !*

"Vous devriez apprendre à mieux vous comporter en société, rustre ! On ne frappe pas un noble dans le dos, et moins encore l'héritier de tout un comté ! Je laisse passer pour cette fois, vous n'êtes pas habitué au savoir-vivre. Mais ne recommencez pas, ou mon père en entendra parler !"

*Il sait à qui il a à faire maintenant !*

- Voudriez-vous débarrasser mon manteau, mon brave ? Il n'est pas vraiment adapté au climat local.

L'Impérial porta ensuite son attention sur l'homme qui était à genoux, le dévisageant longuement jusqu'à ce qu'il se relève.

- Veuillez m'excuser, mais il me semble que votre visage m'est familier... bien que particulièrement juvénile.

La vieille tendit l'oreille à ce que ses yeux déficient repéraient comme une grosse masse verte. Elle se doutait que c'était un orque, et ces bêtes là devaient être remises à leur place - c'est à dire avec les gobelins et autre trolls.

- Comment ça ici personne ne sais boire ? Je suis une Nordique qui vénère Talos, jeunot irrespectueux : donnez-moi un pichet ou une corne, et de l'hydromel, et je vous verrais rouler sous la table !

Orakh ne comprit pas tout à fait ce que voulait dire le petit Impérial. Il le vit s'énerver, oui, il le vit s'agiter, oui, mais pourquoi ? Il utilisait des mots absents du vocabulaire que détenait l'Orque. Rustre, savoir-vivre... autant de définitions et de concepts qui passaient au-dessus du soldat à la peau verte. Ainsi, fort éloquent devant une entité intellectuellement supérieure, il répondit par un splendide crachat, et un sourire tout aussi amical.
Ce coup-ci, il fit mine de bien montrer toutes ses dents.

*Vas-y bouffeur de laitue, regarde moi bien.*

Les mots ne se firent pas attendre non plus:

- Si je te tue ici même, ton père n'entendra parler de rien, vermisseau.

Il se tourna ensuite vers la Nordique qui l'insultait.

- Quand à toi, vieille peau, on verra bien une fois à table, foi de Malacath !!!

Kolfinna commença à donner des coups de canne à l'Orque, qui visiblement ne les sentait pas.

- Ca a la peau épaisse, cet animal !

Orakh posa la main sur la hache de guerre qui reposait à son flanc, courroucé par les tests que faisait la vieille Nordique. Mais pour les biens de l'histoire et la santé mentale du MJ, il se retint de réduire la Vieille en bouillie.

*Cet idiot vient de me cracher dessus ?*

"Vous êtes un imbécile, quoiqu'il arrive mon père en entendra parler. De la bouche des autres invités, ou celle de notre hôte. Ne soyez pas plus idiot que ce que vous êtes déjà et restons tous les deux bien vivants."

N'utilisant que sa fierté pour continuer, il se recula de quelques pas et, en bon et noble Breton qu'il était, décida de faire face aux autres invités.

*Orakh. Je retiens ton nom, petite frappe.*

-Hey hey, du calme, m'sieurs-dames... et messires, ajouta le Rougegarde précipitamment. Mon maître vous a conviés pour une réception mondaine, et y voudrait pas que les invités se comportent mal...

Le lézard grogna sous le coup de canne de la vieille mégère en reculant. Puis, au vu de la situation, retourna vers ses sacs pour en vérifier le contenu sans chercher à riposter... Les vieilles femmes de cet acabit étaient le cadet de ses soucis; elles n'étaient bonnes qu'à venir lui quémander son aide lorsqu'elles étaient mourantes... Il souhaita d'ailleurs à la Nordique de mourir d'un Fléau tenace et douloureux...

Teekeeus fût au moins satisfait de savoir qu'il n'avait rien oublié, ses potions, ingrédients, vêtements, livres, et autres affaires étaient tous soigneusement rangés dans leurs compartiments respectifs. Lorsqu'il leva la tête, ce fût pour se moquer intérieurement de tous ces êtres débordants d'arrogance et de stupidité... Il soupira.