Les Dix Petits Rougegardes

- En qualité de médecin, j'imagine que notre hôte doit être souffrant... je ne vois pas pour quel autre motif ma présence ici serait nécessaire... Cela n'explique toutefois pas votre venue, mais soit, j'aime à festoyer et rencontrer du beau monde; nous en saurons plus demain, j'imagine ! déclara Teekeeus qui prit une énième bouffé de Skooma mais fût interrompu par la jolie Rougegarde.

L'Argonien prit place derrière un siège, attendant que tous les autres convives s'installent. Il en profita pour contempler les plats plus colorés et goûtus les uns que les autres, et s'en lécha les babines d'avance. Il pensa avec amertume qu'une épouse aimante et habile en cuisine lui manquait énormément.

- Ma foi, ça a l'air succulent, mes félicitations aux cuisiniers, s'exclama-t-il en accordant à la domestique un sourire charmeur.

Entendant l'heure du repas, arrivée, Kolfinna descendit.

Conformément aux bonnes manières, elle resta à côté de sa chaise, attendant que tout le monde soit là pour s'asseoir. Elle arborait encore sa face méprisante, et lâcha un de ses habituels "encore de la nourriture d'arriérés, faite par des arriérés".

Aussi vifs que soient ses rouspétements, elle ne pouvait cependant nier intérieurement que ça sentait rudement bon.

Noléon s'ennuyait fermement quand le repas fut annoncé. Il s'était attablé sans grande conviction et même si les plats avaient l'air frais et de qualité, le Breton ne se sentait pas l'âme de manger quoique ce soit pour le moment. Il picora l'une des tartes et ouvrit une bouteille de vin blanc, faisant sortir délicatement le bouchon qu'il garda en main le temps de se verser un petit verre.

Tout en le buvant il s'amusa à regarder les autres manger, en particulier l'abruti d'Orc en face de lui qui se goinfrait aussi bien que n'importe quel Orsimer.

*Il en mettrait même sur ses défenses ce cochon...*

C'est à ce moment qu'il entendit, placé juste à côté d'elle, la Nordique Kolfinna se plaindre de la "nourriture d'arriérés, faite par des arriérés" qu'elle se refusait de goûter. Le Bréton saisit sa chance de mettre un peu de vie dans le repas et, ignorant les commentaires du médecin Argonien, expliqua tout bas à la vieille femme :

"Il faut manger, ma chère. Sans quoi vous risquez de manquer de respect à notre hôte. Même s'il n'est pas là... Faites comme moi, picorez par ci par là si la nourriture vous dérange."

Luven, lui, profitait allègrement du repas, mangeant plus que de raison par rapport à son gabarit... même si cela restait nettement inférieur à ce qu'ingurgitait l'Orque.

- Vous auriez tort de ne pas profiter ! Les plats sont de plus tout aussi sains que gouteux... enfin, pour ce que je puisse dire de la diététique. Mais en ce qui concerne la gastronomie, cela vous fera sans doute oublier le sempiternel ragout de venaison que l'on vous sert de Faillaise à Solitude ! Pour tout vous dire, même certaines réceptions de la Cité Impériale ne sont pas au niveau sur ce point... Alors quitte à avoir des maux d'estomac ce soir, j'ai bien l'intention de garder cette table en mémoire !

Il bu un verre, mangea un peu, puis il remarqua que le Bréton était toujours silencieux et inactif face à son assiette. Il décida donc de briser la glace.

- Et vous, Sire Noléon, avez-vous déjà visité la Cité Impériale ?

"Messire Noléon. Pour l'instant. Je ne voudrais pas vous manquer de respect, mon bon monsieur, mais comment connaissez-vous mon prénom ?"

*Peut-être qu'il connait ma famille, mais je ne l'ai jamais vu avant...*

Noléon picorait toujours aussi doucement, mangeant l'équivalent de deux parts de tarte du bout de ses couverts. Il préférait largement l'alcool qui se trouvait à table mais il devait y aller avec modération. Cela devenait de plus en plus difficile, mais ici sans autre divertissement ou musique boire avec raffinement n'était pas de tout repos. On s'ennuyait chez monsieur le Baron...

- Votre visage m'est revenu. J'ai entendu parler de votre père... je ne sais trop de quelle affaire il s'agissait, encore...

L'Impérial sembla s'absenter dans ses songes pendant de longues secondes, puis il haussa légèrement les épaules.

- Bah, ce n'est pas ce qui importe aujourd'hui ! Mais je suis étonné cependant que vous ne connaissiez pas mieux le baron que les autres.

*Et moi le premier...*

"Je dois avouer que cela me chagrine de ne pas connaître ce baron. Ce territoire appartient peut-être à Lenclume, ce qui serait un début d'explication quant à mon ignorance sur le sujet."

Noléon but une nouvelle gorgée de vin, du rouge sombre et fort qui lui rappelait son adolescence, puis se souvint qu'il ne savait pas à qui il s'adressait.

"Excusez-moi, mon bon monsieur, mais je ne vous ai pas demandé qui vous étiez. Vous avez mentionné une "affaire" ?"

- Luven Horatius, juge Impérial à la retraite désormais.

Il bu une gorgée de vin, et après avoir reposé son verre, il chercha à détendre Noléon.

- De mémoire, ce n'était pas grand chose. Juste un commerçant miteux qui prétendait avoir été floué. Le bougre a de toutes façons été assassiné par un rival avant le jugement, et personne n'est venu s'en plaindre.

Au fond du dernier plat, les invités purent apercevoir une enveloppe scellée, avec écrit dessus en lettres capitales à l'encre rouge : A LIRE A HAUTE VOIX

Noléon fut le premier à apercevoir la lettre et s'en empara. De toute manière les autres ne devaient pas savoir lire, appart le juge peut-être. Le Breton enleva le sceau de l'enveloppe et commença à lire ce qu'il y était écrit.

- Que, ... comment ?!

L'Argonien se laissa tomber sur sa chaise, médusé par la lecture du Bréton. Ses yeux écarquillés montraient une peur évidente de laquelle découlait une incapacité à faire ou dire quoi que ce soit de rationnel.

- ... Si c'est une blague, elle est vraiment de très mauvais goût.

Luven, étonnamment, ne semblait pas particulièrement troublé par la fin de la lettre. Peu d'entre eux étaient réellement condamnables, du point de vue juridique, et même d'un point de vue moral selon lui. Tout juste était-il ennuyé par le fait que ce soit l'homme de haute société qui ait accompli un double meurtre gratuit et inutile. L'Impérial ne s'arrêta pas en si bon chemin pour si peu, et termina son assiette, le seul bruit de ses couverts rompant périodiquement le silence qui régnait désormais.

HRP Noléon n'aurait pas lu le passage sur lui-même à haute-voix, c'est pour ça que je galère un peu à répondre là x) HRP

HRP : je pense pas que grand monde l'aurait fait. On peut considérer que chacun a pu la lire^^

Kolfinna se leva, l'air énervé. Elle posa son verre, auquel elle était en train de boire durant la lecture, avant de faire remarquer de vive voix :

- Ca-lom-nies. Calomnies. Cette jeune fille était juste une déséquilibrée, qui est surpris par ses actes ? Et je ne doute pas qu'il en soit de même pour vous tous.
Un tel accueil est inadmissible, et je propose que nous repartions tous dés demain matin.

- Quelles sont donc ces sottises? Est-ce pour ça que je me suis déplacé? Me voir accusé de...

Voranil parut oublier ce qu'il avait à dire, et resta quelques instants inerte.
- De quoi encore?
Il reprit la lettre en main.
- Ah, voilà, d'avoir envoyé un général à la mort. Si je l'avais fait, je m'en souviendrais! Je suis d'accord avec vous, repartons d'ici au plus tôt!

Luven posa son verre sur la table, produisant ainsi un "toc" sonore.

- Vous pensez réellement que nous allons pouvoir quitter cette île à notre bon vouloir ? Nous sommes dans la baie d'Illiaque, lieu des complots les plus subtils et des machinations les plus perverses. Messire Noléon doit d'ailleurs bien connaître ce genre de choses.

L'Impérial marqua une pause, regardant tour à tour les autres personnes présentes, avant de reprendre.

- Si vous désirez rentrer chez vous, je crains qu'il ne vous faille être très bon nageur. A l'heure qu'il est, le navire qui nous a amené ici doit être hors de vue depuis bien longtemps. Nous n'avons guère d'autre choix que d'attendre la visite de ce personnage, et d'être jugés non pas selon des lois, mais selon une éthique propre et bien arrêtée.

- J'ai peine à l'avouer, mais le juge dit vrai. Je ne pense pas qu'il sera possible de repartir chez nous pour l'instant...

L'Argonien semblait vraiment décontenancé, il buvait presque frénétiquement, et mangeait en pressant la fourchette contre ses lèvres en oubliant parfois d'ouvrir la bouche.

- Toutefois, il est assez inconfortable de faire partie d'un comité d'assassins, et je propose que nous rejoignons nos lits de ce pas pour oublier cet... cet événement...

Noléon avait décidé de rester totalement silencieux. La nouvelle était choquante et il avait préféré lire son passage plutôt que de l'omettre. De toute manière les autres invités l'auraient découvert à un moment ou un autre. Le Breton attrapa une nouvelle bouteille, oubliant toute retenue, pour la boire au goulot. Après trois longues gorgée d'un bon vin rouge, tout semblait aller mieux et il déclara son désaccord avec le médecin Argonien.

"Bon... On a tous quelque chose à se reprocher. Puisque nous sommes tous des assassins sans vergogne... Et si on fêtait la chose avec encore plus de vin ?"

-Il... il n'est pas possible de partir, bégayèrent les servants ensemble. Le bateau ne reviendra que demain matin, peu avant midi.

Kolfinna opina du chef. Elle voyait encore la scène se dérouler...

- Du vin, oui, si quelqu'un peut me servir un verre. Oh, Talos, nous sommes dans un Super Sombre Âge !